Un article qu’on avait gardé sous le coude et qui n’a pas encore été publié sur le blog … en exclusivité pour le CSCE ! 😉
Froid nous ? jamais ! ;o)
Beaucoup nous posent la question ; mais comment arrivez vous à plonger dans ce froid ?
Même si ce long article ne fait pas beaucoup rêver … au coeur des eaux glacées nous allons tout vous expliquer !
Nous ne sommes pas tous égaux face à ce phénomène … Sachez que nous (Laurent, Olivier et Tangui) somme d’un naturel frileux dans les eaux tempérées de notre Bretagne natale !
Passons d’abord en revue le matériel qui n’est qu’une barrière temporaire qui va seulement retarder le passage du froid.
Notre choix s’est porté sur une combinaison humide, car c’est la seule manière de conserver suffisamment d’aquaticité et pouvoir profiter pleinement de nos mouvements et ainsi mieux s’intégrer dans l’espace marin. Les combinaisons font 7 mm d’épaisseur (merci beaucoup à notre sponsor de combinaison TopStar), et nous rajoutons une sous couche de protection complémentaire. Tangui a opté pour une 1ère combinaison intégrale de 3 mm, alors que Olivier et Laurent utilisent un « top » classique (combinaison fine au niveau du buste). Nous disposons aussi d’un « top chauffant » de la marque « Ripcurl » aimablement prêté par le magasin « Swell addiction ». Il dispose d’un petit accu étanche qui une fois déclenché diffuse une douce chaleur pendant une bonne heure. Nous avons pu l’expérimenter en interaction surface uniquement (on ne peut pas descendre en dessous de 5 mètres de profondeur avec cet équipement). Les combinaisons sont stockées dehors dans le froid des sacs, et n’ont pas le temps de sécher d’une plongée à l’autre. Nous avons même retrouvés nos affaires figées par le froid… Tous les plongeurs qui utilisent une combinaison humide redoutent toujours ce petit moment « revigorant » de l’enfilage de combinaison humide. Ici, afin de la réchauffer et faciliter l’enfilage, nous passons de l’eau savonneuse brulante dans la combinaison. Elle n’en reste pas moins fraiche pour autant ! De plus nous nous équipons dehors, dans le cockpit de pilotage. Ce sont les pieds et les mains qui sont les membres les premiers gagnés par le froid et nous devons particulièrement les protéger. Les moufles 3 doigts sont plus chaudes que les gants car les doigts sont regroupés pour mieux maintenir la chaleur. Il nous arrive même de sortir l’index de son doigt de néoprène, et de le regrouper avec les autres dès que le froid commence ses effets néfastes. Nos chaussons ont été réalisés spécialement pour cette expédition dans un néoprène de 10 mm ; ce qui veut dire que nous avons aussi dû augmenter la pointure des chaussons de palme de 2 à 4 pointures ! Moufles et chaussons sont également remplis d’eau brulante avant de les enfiler … nous sommes même arrivés à nous bruler ! un comble !
Mais toutes ces astuces matérielles ne sont que des barrières qui ne font que retarder le passage du froid qui inexorablement finira par s’immiscer …
C’est au moment de la mise à l’eau que le corps doit rapidement s’adapter à son nouvel environnement. Ce sont le front et les lèvres qui perçoivent le froid en premier. Cela se traduit par une barre un peu douloureuse au niveau du front pendant quelques secondes. Ce phénomène disparaitra au fur et à mesure de notre adaptation au froid. Le petit picotement sur les lèvres restera permanent durant toute la plongée. Souvent un petit filet d’eau froide vient naturellement se glisser dans la combinaison et combler les petits vides de certains endroits… C’est aussi une expérience intéressante ;o) Le corps va alors réchauffer cette eau prisonnière dans notre combinaison, nos gants et nos chaussons. Nous pouvons alors évoluer et interagir dans l’eau et les éléments durant environ 1h à 2h selon ce que nous faisons … Sur notre dernière plongée nous avons même pu durer près de 3h tant l’action était intense !
Mais petit à petit la fraicheur va commencer à s’insinuer au travers du néoprène et dans notre corps… C’est ici que commence la partie intéressante qui a motivé cet article, sur notre manière de gérer le froid. Nous entrons dans le monde de la lutte et du mental …
En venant sur cette expédition, nous savions que le froid serait présent, et nous l’avons accepté. Le challenge de cette lutte contre le froid représente d’ailleurs pour nous une motivation supplémentaire de participer à cette expédition. Suis-je capable de maitriser mes sensations ? Jusqu’où puis-je aller ? Nous pensons que cette acceptation initiale est déterminante pour pouvoir lutter efficacement par la suite. Il y a un engagement physique d’abord, mais surtout un engagement mental. La notion de froid peut alors être traitée comme une information, et non plus comme une nécessité d’y remédier impérativement. Ces informations sont analysées comme des paramètres externes qui ne doivent pas venir perturber notre objectif : prendre du plaisir en apnée et en liberté. Dès que nous avons une action commune ou une rencontre avec un animal, le plaisir de partager quelque chose d’aussi intense et d’aussi exceptionnel prend complètement le dessus de l’information du froid qui est reléguée à l’arrière plan. Nous ne laissons pas cette sensation « négative » nous perturber.
Mais petit à petit cette information se fait de plus en plus présente … et nous entrons en phase de lutte. Nous autres apnéistes sommes habitués à repousser nos limites pour progresser dans l’aisance et naturellement dans la durée de nos apnées. Ici le principe est identique : repousser un peu plus la limite acceptable. Mais attention à ne pas se mettre en danger et de ne pas aller trop loin !
Au bout d’un moment le froid est constamment présent et chaque apnée qui nécessite toujours autant de relaxation, devient moins facile à maitriser. L’aisance en prend un coup. Le mental doit alors faire de gros efforts de maîtrise pour continuer à prendre le dessus et garder le contrôle ! Le froid devient maintenant partie intégrante de notre corps, et pénètre par petites touches, notre chair et nos os. La lutte s’intensifie. Nous n’arrivons plus à remuer normalement nos lèvres figées par le froid et nos échanges verbaux nous rendent hilares tellement nos phrases sont incompréhensibles… :o)) Nos membres commencent à trembler, doucement d’abord, puis quasiment en permanence … Quand c’est possible, nous tentons bien quelques réchauffements par une nage rapide en surface par exemple. L’action de sortir de l’eau et de remonter sur le bateau ou sur l’annexe permet aussi de se sortir momentanément du froid intense de l’eau et de regagner un peu de chaleur. Laurent affirme qu’a partir d’un moment il ne sent plus le froid dans l’action. Nous échangeons régulièrement entre nous pour évaluer et surveiller quel niveau de lutte nous avons atteint. Nous ne devons pas basculer dans l’hypothermie. Naturellement quand c’est trop difficile, l’un de nous peut décider de sortir de l’eau, mais nous restons toujours à 2 au minimum. Au fil des jours et des plongées, nous constatons une acclimatation lente à ces conditions et arrivons à mieux gérer ce froid.
Vient ensuite la sortie de l’eau et le réchauffement. Il n’est pas toujours facile d’enlever sa combinaison dans ces conditions et devont demander de l’aide pour enlever la veste. Quelques verres d’eau chaude pour nous rinçer nous permettent de rapidement nous réchauffer. Le retour à la chaleur est rapide dès que les habits sont passés. Une collation et une boisson chaude complètent notre retour à la normale. Et nous sommes parfois prêts à y retourner relativement rapidement si l’occasion se présente. Nous avons ainsi pu faire 3 plongées au maximum dans la même journée … Nos repas sont très copieux, grâce à l’excellente cuisine de Jean Yves et nous permettent de regagner les nombreuses calories perdues.
Nous ne sommes pas des scientifiques, mais nous pouvons quand même parler de notre ressenti et de quelques constatations.
– Les articulations de nos mains se font plus rugueuses; les doigts se plient moins facilement.
– Nous avons l’impression que nos doigts ont un peu grossit.
– Les ongles deviennent hyper sensibles.
– Notre taux de glycémie chute fortement durant la plongée (nous avons effectué quelques mesures) .
– En fin de séjour une fatigue latente se fait quand même sentir
Jacques, notre caméraman sous marin plonge en « combinaison sèche » et ne ressent quasiment pas le froid. Seuls ses mains et son visage sont en contact avec l’eau glacée. Au bout de quelques jours il a quand même pris des gants :o)
Bref, vous l’aurez compris, tout est une question d’acceptation et de mental. Tout le monde peut le faire à condition d’avoir vraiment décidé de le faire.
Laurent, Olivier et Tangui