Déjà le premier week-end du mois d’août. Le chassé croisé des juilletistes et des aoûtiens bat son plein en ce samedi matin. La météo des routes annonce 700 kms de bouchons cumulés sur toute la France par une chaleur Saharienne. La canicule touche une grande partie du pays et seule la Bretagne reste verte sur les cartes de météo France. Il fait quand même 30°c à Rennes et 28°c à Saint Malo, notre port d’attache. On a rarement vu un été aussi beau et chaud dans notre région ; dans quelques années si cela continue comme cela nous serons la cote d’azur de touristes.
Nous n’en sommes pas encore là et aujourd’hui c’est plongée. Mais pour plonger, il faut de l’air et en grande quantité. C’est pour cela que nous portons sur notre dos une grosse bouteille en acier de 12, 15 litres d’air comprimé ou plus. En fonction des conditions de plongée (profondeur, température de l’eau, courant…) et de la forme physique du plongeur, on peut rester sous l’eau plus ou moins longtemps. Normalement avec une bouteille bien gonflée à 200 bars et une plongée de profondeur normale (20 à 25 mètres) on doit pouvoir rester ente 45 min et 1 heure immergé. Donc, il faut que la bouteille soit pleine d’air si l’on veut aller loin et longtemps.
Au CSCE, on partage les équipements de gonflage avec une structure commerciale qui est un peu le cousin germain de la famille. Les plus anciens du Club pourraient vous en raconter sur la création du SMPE. Moi, je suis trop récent dans le bourg pour connaitre tout cela et ne tente même pas de savoir pourquoi ci et pourquoi ça. C’est comme dans toutes les familles, il y a des histoires qu’il ne faut mieux pas remuer, car on ne sait jamais comment les choses peuvent tourner. Mais revenons à notre question d’air dans les bouteilles, on verra plus tard pour les histoires de sang bleu ! Donc, venant de Rennes pour ma plongée du jour et n’ayant plus d’air dans mon bloc, il me faut le remplir. Petit soucis, les gonfleurs officiels du CSCE ne sont pas au club et il n’est pas prévu qu’ils viennent faire le plein des uns et des autres. En effet, historiquement les plongeurs du week-end viennent le vendredi soir à la permanence pour boire l’apéro (surtout) et gonfler les blocs (à l’occasion). Mais moi je ne vais pas venir de Rennes à l’arrache juste pour boire une bière et gonfler mon 18 litres. Ca fait un peu compliqué et beaucoup de kilomètres pour de l’air. Donc, ce samedi matin, je me pointe à la fraiche au local et demande au cousin germain si quelqu’un peut me rendre service. Je ne l’a ramène pas trop et sert un peu les fesses, car parfois les humeurs sont maussades et la réponse plutôt fraiche. Que nenni. Les trois responsables (Jonathan, Jean Paul et Samuel) présents aux compresseurs sont très sympas. On discute le bout de gras et de manière tout à fait tranquille, sans stress et dans la bonne humeur mon bloc est monté à 210 bars bien tassés. Merci à vous trois pour ce réapprovisionnement salvateur. Comme quoi, les vieilles rumeurs sont à prendre avec du recul et que les esprits chagrins n’ont qu’à aller chez les Papous voir si nous n’y sommes pas !
Après cet intermède technique, reprise de la voiture et direction le quai d’appontage du Calypso III. J’arrive à temps pour débarquer mon matériel et tout mettre à bord de notre fière embarcation. Luc notre DP et Pilote du jour a déjà préparé le navire, le moteur tourne, les bouts sont presque tous retirés et nous attendons les derniers retardataires avant de quitter le ponton direction la Cale du Naye, de l’autre coté du port. La traversée est rapide et l’embarquement du reste de l’équipe se déroule dans la bonne humeur et l’entre aide réciproque. Nous sommes une petite quinzaine sur le pont aujourd’hui et avons donc toute la place qu’il nous faut pour ne pas se marcher dessus, voir même pour nous étaler un peu. Le capitaine nous propose une sortie sur
le site de La Saint Servantine. Il s’agit d’une tête de roche posée sur un fond de 25 mètres (marée du jour avec un coefficient de 55 en pleine mer) qui remonte d’une bonne douzaine de mètres vers la surface. Selon le positionnement du mouillage, on peut plonger le long du tombant, dans les amas rocheux ou dans des failles qui ressemblent à des petits canyons. Nous voila donc en direction de la pointe de La Varde, à droit (tribord) en sortant du port, après avoir longé la grande plage du Sillon et juste à coté d’un bouée verte avec une cloche qui fait « gling gling » quand elle est remuée par les vagues.
Une fois sur le site et après une dernière vérification au sondeur, le mouillage est mis à l’eau par Stéphane et Lionel. Pas loin de 35 mètres de chaine sont à la baille et nous observons les mouvements du bateau pour contrôler qu’il ne dérape pas et que l’ancre est bien accrochée dans les roches. Pas de problème, nous sommes pile sur la roche et rien de bouge. Nous sommes une bonne heure avant l’étale et le courant est bien marqué. Un drapeau sur une bouée d’un casier à homard nous montre la puissance des flux marins. D’abord très penché par le jus, il fini par être totalement mis sous l’eau et ne remonter en surface qu’une fois la force du courant amoindrie. La tension de la chaine est aussi un indicateur qui ne trompe pas. Il nous faut donc patienter et commencer tranquillement à nous préparer.
Un peu avant l’heure théorique de l’étale, Luc se met à l’eau pour évaluer la situation. Son expérience tourne court assez rapidement, car à peine a-t’il mis les palmes dans l’eau qu’on le trouve déjà deux mètres plus loin et lorsqu’il ressort la tête de l’eau il doit palmer comme un dératé pour rejoindre son point de saut. Autant dire qu’il y a encore du jus. Retour sur le pont et de nouveau attente. Pendant ce temps, les amis du Club de Dinard arrivent aussi sur zone et nous interrogent par radio sur notre mouillage. Etrangement, cela fait deux fois en peu de temps que nous sortons sur les mêmes sites de plongée, alors que la baie de Saint Malo est vaste et que les zones pour plonger sont assez nombreuses pour ne pas se retrouver simultanément au même endroit, le même jour. Mais bon, c’est le hasard des sorties en mer. Dinard se positionne à une trentaine de mètres de nous et attend également que le courant se calme. Nous sommes à l’étale, Luc n’en peut plus et décide d’y aller avec son binome. Hop, tout le monde à l’eau ! Hop, le jus est encore bien là et la remontée de la coque jusqu’à la chaine de mouillage est déjà une épreuve. Mais bon rien n’y fait ils sont parti et descendent vers les abymes.
Vu les conditions de courant, nous décidons à la demande de Phaibul de mettre à l’eau un bout de survie d’une cinquantaine de mètres de long. Il est accroché à la chaine de l’ancre, longe le bateau et file dans le courant avec une grosse bouée et un pavillon Alpha pour signaler aux bateaux de passage la présence de plongeurs sous marins. Ce bout permet aussi de se haler et de rejoindre le mouillage sans trop s’épuiser. Les palanquées suivantes se mettent à l’eau, toujours dans le courant alors que l’heure de la marée est déjà passée. Elles s’épuisent à luter contre les éléments et ne veulent pas attendre que cela se calme. Presque 20 minutes après l’étale, c’est à notre tour d’y aller. Le jus est moins sensible et la descente dans le bleu ne pose pas de difficulté.
Le site est assez grand pour que chacun s’y débatte sans venir perturber le voisin, même avec les collègues de Dinard sous l’eau avec nous. Pour notre part, nous nous dirigeons main gauche et fouinons dans les amas rocheux à la recherche de la langouste à l’antenne cassée que nous à décrit Luc avant son départ. Nous ne la
trouverons pas. Par contre, nous croisons sur notre chemin de beaux homards, des étrilles, des dormeurs, un petit congre, de belle gorgones jaunes, une raie torpille tachetée vert qui ressemble de loin à une éponge coincée entre deux roches au fond d’une faille. Quelques bancs de petits tacauds prennent le large lorsque nous nous approchons d’eux. Le tombant est suivi sur tout son long, avant que l’on reprenne la direction des éboulis et des canyons situés un peu plus en hauteur. La luminosité est superbe, la visibilité au rendez vous avec presque 10 mètres. L’eau est très agréable et frôle les 19°c à 24 mètres. On se croirait en Méditerranée avec de la faune et de la flore en plus beau…
Bon, cela fait pas loin de 40 minutes que nous barbotons par 24 mètres de fond, il nous faut revenir à l’air libre. Retour au mouillage sans difficulté. Palier de sécurité à 3 mètres et surface dans une eau paisible. Sur le pont du Calypso III les discussions vont bon train. L’histoire du jour est certes l’absence de la fameuse langouste, mais aussi ce maudit courant que les plus pressés ont voulu braver. Pour le coup, rappelons-nous que sur La Saint Servantine, l’étale de marée haute est au moins 20 minutes en retard par rapport à l’heure officielle de Saint Malo. Comme les oranges, les plus pressés s’en souviendront, pour ne plus être dans le jus !
Thomas